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Interview – Yann Serra
Yann Serra est responsable de plusieurs titres Posse press, notamment login: et PC Team.

Cette interview réalisée par David Brunet est parue dans l'e-zine Obligement n°16 (juillet 1999). Elle est reproduite avec l'aimable autorisation des deux parties.

Bonjour Yann, peux-tu te présenter a nos lecteurs ?

Bonjour, je m'appelle Yann Serra, je n'ai aucun pseudo, j'ai 27 ans et je suis rédacteur en chef de deux magazines édités par Posse Press : login: et PC Team.

Quelle(s) configuration(s) Amiga as-tu ?

Je dispose de deux types d'Amiga : ceux dont je me sers tous les jours et ceux qui dorment à la cave. La première catégorie est constituée de deux 4000 desktop, un modèle "optimal" et un autre "de test".
Le modèle optimal possède 150 Mo de Ram, une CyberstormPPC à 233 MHz (avec 060 à 50 MHz), une Cybervision64/3D, une A2065, un Buster 11, le Kickstart 3.1, un disque dur IDE de 8,4 Go, un lecteur de CD IDE 24x, deux lecteurs HD internes, un Zip, un Jaz, un Syjet, un graveur 4x et un écran 17 pouces.
La configuration de test est, quant à elle, juste constituée de 146 Mo de Ram, d'une Cyberstorm MKII (060 à 50 MHz + extension Fast SCSI), d'une A2065, de 4,2 Go de disques durs IDE, d'un lecteur de CD SCSI 12x, d'un seul lecteur HD interne, du Kickstart 3.0 et du buster 09. Pourquoi je n'utilise pas de CybervisionPPC ? Tout simplement parce que la Cybervision64/3D est plus pratique : elle a un scandoubler et ses caractéristiques sont prises en compte par absolument tous les softs (de Descent à Linux, en passant par les players MPEG).
En ce qui concerne la cave, on peut y trouver : mon tout premier Amiga, un 1000 européen (que je garde comme une relique), une CD32 (offerte par Petro lui-même) et un 1200 CBM avec Roms 3.1, 68030 à 40 MHz et disque dur 2,5 pouces de 200 Mo. A noter que j'ai également, au bureau, deux ou trois pièces de collection, à savoir une pré-série de l'Amiga 3000 – qui a servi à la traduction en français d'AmigaOS –, l'Amiga 3000 sur lequel ont été développées toutes les bornes du code de la route que l'on trouve dans la plupart des auto-écoles françaises et la doc technique complète de l'Amiga 3000+ à base de chipset AAA (avec plan de la carte mère et schéma des composants à la clé).

Quand et comment es-tu venu à l'Amiga ?

En 1988, mon copain Olivier (qui créera, quelques années plus tard, la société Club-Internet pour le compte de Grolier-Hachette) et moi-même, nous étions inscrits dans un club informatique afin d'agrémenter notre logithèque de jeux Amstrad. A peine arrivés dans le local, nous nous étonnâmes de la musique plutôt gothique dans laquelle baignaient les lieux. Et le propriétaire de nous répondre : "ah, mais c'est pas un disque, c'est la musique d'ambiance d'un jeu de casse-brique sur Amiga".
Scrollings, dégradés de couleur, sprites immenses, animations ultra-fluides : jusqu'à la fin de l'année, tous les membres du club Amstrad se sont achetés un Amiga. D'autant qu'on avait trouvé un filon : on achetait des Amiga 1000 plutôt que des 500. Plus performants que ces derniers, ils coûtaient aussi 3000 francs moins cher parce que Commodore avait arrété le modèle.

Quelles sont tes activités favorites sur Amiga ? Et en dehors ?

Ce que je fais avec mon Amiga ? De la bidouille ! Plus sérieusement, mon passe-temps favori est de tester tout ce qui me passe sous la main et de ne garder que le meilleur pour me créer un environnement sur mesure. En configurant par ci, et en remplaçant par là, je m'amuse à construire une interface plus pratique que le Workbench original, qui me permette de lire n'importe quel média ou d'éditer n'importe quel document sans avoir l'impression de passer par une application dédiée. Je déteste les docks énormes, les fonds d'écran grotesques, les GlowIcons et MagicWB. Je redessine chacune de mes icônes et je configure à l'extrême chaque script et chaque menu que je peux rajouter dans le système.
Le reste de mon activité sur Amiga est des plus standard : je tape mes articles dessus, je me connecte à Internet et je grave des cédés. Pour ce genre de travaux, un PC à 4000 F sous Windows ferait amplement l'affaire, mais je ne pourrais plus bidouiller de manière aussi sympathique. Non, je n'ai pas et je n'ai jamais eu de PC chez moi !
En dehors de l'Amiga, j'aimerais faire de la BD, mais login: et PC Team ne m'en laissent pas le temps.

Que faisais-tu avant de travailler chez Dream/login: ?

Depuis l'âge de 16 ans, j'étais illustrateur dans la presse micro. J'écrivais quelques articles par-ci par-là en tant que pigiste et je m'occupais aussi, à une certaine époque, du CD-Rom de couverture du magazine CD-Média. J'écris dans Dream depuis son premier numéro et j'y travaille en interne depuis février 1995.

Pour quelles raisons avoir changé le nom du magazine ?

Parce que "Dream" est le nom le plus mièvre que l'on puisse donner à un magazine ! Je crois me rappeler que les personnes qui l'ont trouvé voulaient initialement faire un jeu de mot entre "Amiga Dream" et "American Dream". Mais la blague est tombée à l'eau dès le numéro 8 ou 9, où – pour éviter de payer des taxes exorbitantes – il a fallu enlever le mot "Amiga" du titre. Avec un contenu plus scientifique et moins ludique, le nom "Dream" était devenu un véritable fardeau, empêchant au magazine d'obtenir l'image professionnelle qu'il convoitait.
"login", en revanche, correspond à 100 % à la cible maintenant visée, à savoir des lecteurs qui veulent qu'on leur parle d'informatique, pas de multimédia.

A combien s'élèvent les ventes de login: ? Quelle est son évolution depuis 1993 ?

login: se vend à l'heure actuelle à 28 000 exemplaires par mois, ce qui est plutôt pas mal quand on sait que le record de Dream était de 25 000 exemplaires et que c'était sur... le numéro un ! A titre de comparaison, PC Team est vendu entre 30 000 et 35 000 exemplaires.
La parution du premier numéro d'Amiga Dream, en novembre 1993, s'est accompagnée d'un énorme succès : 5 ans après les anglais, les français voyaient enfin arriver un magazine Amiga qui comprenait à la fois des jeux, du pro et de la pratique. Dans l'année qui a suivi, les ventes de mensuels Amiga pouvaient dès lors se résumer ainsi : 1er) Dream, 2e) Amiga Concept, 3e) Amiga News et 4e) Amiga Revue.
Fin 1994, Commodore est définitivement mort, Doom sort sur PC et le marché de l'Amiga est en chute libre. Amiga Concept et Amiga Revue préfèrent fermer leurs portes, Amiga News tient bon et Posse Press assure ses arrières en lancant un magazine PC, PC Team. Dream se vend alors dans les 13 000 exemplaires par mois. Vient ensuite l'année noire de 1996. les ventes de Dream chutent en dessous des 8000 exemplaires par mois et Posse Press préfère engager ses forces dans PC Team, lequel a le vent en poupe avec 35 000 exemplaires par mois. C'est le temps des numéros les plus inintéressants de toute l'histoire de Dream (selon moi) : "Le multimédia et l'Amiga", "Où contacter la communauté Amiga", "Pourquoi investir dans un Amiga", etc.
En février 1997, Le bilan est lourd : avec 4000 ventes mensuelles et un chiffre d'affaires publicitaire de l'ordre de 20 000 F, le magazine ne rapporte même plus assez pour payer son propre papier. Mais la direction est clémente : Dream ne sera pas arrêté avant la rentrée. D'ici-là, les rédacteurs ont carte blanche pour tester n'importe quel concept susceptible d'améliorer la situation.
L'idée de Linux viendra de Fred Pesch, alors responsable de la rubrique "Linux Attitude" dans PC Team. Dream devient alors, pour les trois mois suivants, un magazine rebelle, qui dit non à Microsoft tout comme le rock alternatif disait non à la société de consommation. Les ventes augmentent alors d'un millier d'exemplaires. En mai de la même année, je reviens du service militaire et l'on me donne l'idée d'une informatique "alternative" qui me plaisait assez, ayant moi-même réalisé un dossier dans ce sens un an et demi auparavant (Dream N° 26). Mais les illustrations de couverture à la Wolinski, les sempiternels pamphlets contre "Micro$oft" et le fait de découper le magazine en trois partie (Amiga, Linux et BeOS) m'ennuyaient : d'une part, cela faisait amateur, d'autre part les lecteurs achetaient la totalité du magazine pour ne lire que l'un des trois "mini" magazines qui s'y trouvaient.
J'ai donc gardé l'idée de l'alternative et j'en ai fait un magazine homogène, plus ouvert (avec l'introduction d'OS/2, RiscOS et Atari, mais aussi en créant des synergies entre les systèmes) et totalement calqué sur ce qu'était SVM à la fin des années 80. Le résultat a été éloquent : 9000 exemplaires du numéro 41 ont été vendus en kiosque et près de 10 000 par correspondance. Il n'était plus question d'arrêter. Les exemplaires passaient à 8000, 10 200, 10 900, 11 200... puis n'ont cessé de s'accélérer (13 000, 17 000, 22 000, 28 000...). A l'heure où j'écris ces lignes, je n'ai pas encore le résultat définitif des numéros 62 et 63, les premiers à s'appeler "login:", mais les estimations laissent à penser que nous avons à nouveau battu des records. Si la hausse se confirme, login: vendra plus d'exemplaires à la rentrée que PC Team  !

Que réponds-tu à ceux qui disent qu'il n'y a pas assez d'Amiga dans login: ?

Trois choses. La première est que si nous n'étions pas passés à l'informatique alternative, il n'y aurait plus du tout de magazine français parlant d'Amiga. Le nombre d'amigaistes français actifs (c'est-à-dire ceux qui se servent de leur Amiga, pas ceux qui ont un vieux 500 au fin fond de leur garage) est estimé à environ 4000. Sachant qu'il faut multiplier les ventes de login: par 2,5 pour connaître le nombre total de ses lecteurs (d'après nos sondages), on peut considérer que ce sont plus de 70 000 personnes qui suivent aujourd'hui l'actualité de l'Amiga de façon mensuelle, soit un lectorat 18 fois plus important que toute la communauté Amiga française réunie. Je considère donc que nous offrons un sacré support à la machine et qu'il serait faux de prétendre le contraire !
Ensuite, il ne tient qu'à Amiga Corp. de faire en sorte qu'il y ait plus d'Amiga dans nos pages ! Nous sommes ouverts à tous types d'actualité mais il ne faudrait pas non plus nous prendre, nous la presse et nous les amigaistes, pour la croix rouge : ça fait cinq ans que Petro Tyschtschenko se paye ouvertement la tête de tout le monde avec des discours tous plus creux les uns que les autres. Qu'il fasse un jour un semblant d'une ombre de quelque chose d'intéressant et, là, oui, on pourra en faire nos choux gras. Pour l'heure, il est juste ridicule avec ses allumettes en forme de ballon rouge et blanc...
Enfin, nous pourrions effectivement remplir nos pages en testant des sharewares ou les derniers boîtiers en plastique de chez Micronik. Mais nous ne le voulons pas. Et ce n'est même pas parce qu'on sait pertinemment que les lecteurs non-Amiga vont hurler au gaspillage de place. C'est tout simplement parce que login:, en plus de ne pas parler de Windows, se veut aussi un magazine dans lequel on traite intelligement d'informatique ; nous voulons fédérer les innovations technologiques, analyser les architectures, montrer aux gens comment on programme un jeu 3D et, ça, ça concerne aussi bien les amigaistes que les utilisateurs de n'importe quel autre ordinateur !
Notre informatique est celle de la passion, pas celle du produit de consommation : nous visons les gens qui veulent inventer, pas ceux qui veulent acheter du CD-Rom. En ce qui concerne l'actualité logicielle, nous estimons que sa place est sur notre CD de couverture, point. Notre rubrique Laboratoire (par ailleurs très mal vue) ne s'ouvre quant à elle qu'aux produits "épatants", tels le Milan – ce clone de l'Atari – ou encore à Art Effect – cette adaptation de Photoshop pour Amiga. Une personne qui a un Amiga et qui veut savoir quel jeu acheter, ou comment faire pour imprimer ses photos de vacances sur la dernière imprimante HP, est le prototype même du PC-iste sans PC !

Quelles sont tes machines/O.S. alternatifs préférés ?

L'Amiga, l'Amiga et l'Amiga !!! Cela va peut-être vous étonner, mais je ne suis pas à ce point un fan de Linux, tout simplement parce que Linux est une énorme usine à gaz, au même titre que Windows. Dans le genre (c'est-à-dire comme système de développement universel), je préfère nettement NetBSD car il est plus simple, plus performant et plus compatible Amiga. Sinon, j'aime beaucoup le RiscPC et son RiscOS : cette architecture est certes très dépouillée mais sa conception est tellement intelligente et optimale que l'on fait de véritables miracles avec ! En ce qui concerne BeOS, je le considère comme un "autre" AmigaOS, absolument incompatible et pas plus riche que ce dernier mais intéressant si son Amiga rend l'âme et qu'on est obligé de passer au PC. Enfin, je trouve les Psion très intéressants (je possède un Série 5) car ce sont de véritables micro-ordinateurs conviviaux, facilement programmables, à la logithèque très riche et aux outils très puissants.

Comment vois-tu la situation actuelle de l'Amiga ? et son futur ?

Jusqu'à présent :
Depuis cinq ans, l'Amiga est prisonnier d'un bureaucrate poussiéreux, Petro T., qui n'a aucun intérêt à ce que la machine se développe. Issu de la philosophie Commodore, Petro T. est un garçon qui vit dans la luxure et la paresse : il voyage et se paye une voiture de sport aux frais de la princesse, ignore les opportunités qui s'offrent à son entreprise et ne daigne travailler que lorsqu'il a l'occasion de toucher une grosse commission. Sans revenir sur certains coups bas financiers (le procès Eagle, le refus de fournir des Amiga aux revendeurs français sous prétexte qu'ils commandaient moins de 5000 pièces, etc.), on peut en tout cas dire que Petro a sérieusement manqué d'imagination pendant les 5 dernières années ! Qu'est-ce qu'il lui a pris de ressortir l'Amiga 1200 sans aucune amélioration ? Et s'il lui était impossible de mettre en chantier un successeur à l'A4000, pourquoi n'a-t-il pas pensé à sortir, au moins, un hardware qui transforme un Macintosh en Amiga ?
Imaginez un peu le succès qu'aurait pu avoir une carte d'extension disposant du chipset AGA et des Roms Kickstart, que l'on aurait insérée dans un Mac Quadra et qui aurait court-circuité MacOS au moment du boot ! Tout le monde y aurait gagné : la carte aurait coûté moins cher à fabriquer qu'un 1200 et l'utilisateur aurait profité du SCSI ainsi que des cartes graphiques du Mac (bien entendu, l'idée aurait surtout été de récupérer un Mac d'occasion) ! D'autant que les cartes accélératrices à base de 68060 et de PowerPC sont sorties bien plus tôt sur Mac que sur Amiga... C'est d'ailleurs ce que veut faire Mick Tinker (Access Innovation) avec l'Inside Out, lequel est exactement le produit dont je viens de vous parler, mais adapté au PowerMac (connecteur PCI et 68060 en plus). Et ce que je ne comprend justement pas, c'est pourquoi Petro a tout fait pour enterrer cet Inside Out, dont le développement a dû être – contraint et forcé – gelé.
Mais ne nous leurrons pas : l'Amiga, tel que nous l'utilisons aujourd'hui, n'appartient plus à ce prête-nom hypocrite et incapable qu'est Amiga Corp. Son véritable tuteur est bel et bien le couple Phase 5 / Haage & Partner, lequel, sous le couvert de sempiternelles disputes, joue surtout à devenir le Intel & Microsoft de l'Amiga. En proposant, respectivement, le hardware et le software que les utilisateurs attendaient, ces deux sociétés allemandes sont devenues les maîtres du marché. Patiemment, elles attendent le jour où elles pourront toucher le pactole en revendant des licences de leurs produits.

A partir de maintenant :
D'ici à la fin de l'année, les amigaistes vont se retrouver face à deux politiques concurrentes. La première, celle de Phase 5 et Haage & Partner, consistera à proposer une évolution de l'Amiga. Ce sera un Workbench 3.5 amélioré et un empilage de cartes d'extension pour obtenir du PCI et du G3. A priori, il s'agira là d'une solution intermédiaire, en attendant un AmigaOS "PowerPC" retravaillé en profondeur (avec un nouveau Kickstart...), ainsi qu'une nouvelle carte mère intégrant tous les dispositifs des cartes d'extension précédemment proposées (c'est-à-dire avec des slots PCI et un support à la Mac pour "plugger" directement un PowerPC). Espérons qu'Amiga Corp. ne leur mettra pas encore des bâtons dans les roues : pour l'heure, Petro a interdit à Haage & Partner de fournir le Kickstart 3.1 en fichier avec l'AmigaOS 3.5. C'est idiot.
La seconde politique sera celle d'Amiga Corp., lequel devrait nous proposer une toute nouvelle plate-forme, absolument originale et totalement incompatible avec l'Amiga. Le concept annoncé est un ordinateur qui centraliserait tous les besoins informatiques de la maison : posé dans un coin et allumé en permanence, il serait le point de départ de toute une série de câbles allant vers autant d'appareils à l'électronique allégée (tels une télé pour surfer ou jouer depuis son canapé, un écran et un clavier pour taper des textes dans le salon, un écran tactile pour consulter une encyclopédie multimédia dans la chambre, etc.). Ca nécessite toute une installation, il y a zéro logiciel et ce n'est pas gagné. A tel point que je me demande si leur "AmigaSoft" ne sera pas juste un protocole réseau qui viendra se greffer par dessus n'importe quel Windows (genre Windows CE, si leur nouvelle machine est à base de processeur Mips ou Hitashi). Néanmoins, si la machine est intéressante (avec un hardware au moins équivalent aux derniers PowerMac G3), gageons que Haage & Partner saura la rendre un peu plus "Amiga". Sinon, rêvons d'un Amiga Corp. qui, avant de sombrer définitivement dans le ridicule et la banqueroute, offre gracieusement la licence "Amiga Classic" à Phase 5 et H&P.

As-tu quelque chose à ajouter (anecdote, info croustillante, ...) ?

Une info croustillante : l'équipe de Posse Press compte parmi ses membres un ancien commercial de Commodore France. Celui-ci nous a révélé la méthode que cette entreprise en particulier et sa maison-mère en général avaient pour vendre des ordinateurs. Voici ce qu'il se passait par exemple, au début de chaque trimestre, entre un commercial de Commodore (pas le nôtre !) et un autre d'une grande enseigne de distribution (attention, à l'époque il s'agissait de grandes enseignes spécialisées dans la vente de matériel hi-fi et informatique, pas d'un revendeur de quartier) :

(Commercial de Commodore) - Allo Machin ? Dis, tu m'achètes 5000 Amiga 600 pour ton magasin de Marseille ?
(Commercial de l'enseigne) - 5000 Amiga 600 ?? Tu es fou !? Comment veux-tu que je vende 5000 Amiga 600 en trois mois ? Je n'ai même pas la place pour les stocker !
(Commercial de Commodore) - Ecoute, je touche 3 % sur la vente si tu m'achètes ces machines (disons, au hasard, 200 000 F). Je te propose de partager ces 200 000 F avec toi. T'auras qu'à nous renvoyer les machines dans trois mois en disant que t'as pas réussi à les vendre : de toute facon, Commodore remboursera ton magasin de Marseille...
(Commercial de l'enseigne) - 100 000 F chacun ? Bon, ben d'accord, alors. Mais personne ne sera au courant, hein ?

Allez, une autre, pour la route : lorsqu'une machine tombait en panne, on l'envoyait au SAV. Le SAV la déclarait morte et en demandait une autre "pour échange" à la maison-mère (donc gratuite). On réparait l'ancienne, que l'on rendait à l'acheteur, et on vendait la neuve sous le manteau aux boutiques de quartier. Au final, Commodore se faisait arnaquer d'une machine, un employé s'en mettait plein les poches et les grandes enseignes ne voulaient plus soutenir l'Amiga car les boutiques de quartier leur faisaient une concurrence déloyale. A noter qu'il y a eu ainsi des stocks "de l'ombre" qui transitaient dans toute l'Europe, les employés des différentes filiales s'échangeant en douce les machines suivant les demandes locales (le manuel de votre Amiga est en allemand ?). La situation était absolument identique chez Atari et a eu pour conséquence de voir fleurir tout un tas de boutiques de quartier à l'honnêteté douteuse (lesquelles donnaient plus envie au client de fuir qu'autre chose... Dommage, il n'y avait plus que chez elles que l'on trouvait des Amiga à bon prix). A la fin, Commodore voyait ses bénéfices officiels s'écrouler et, pourtant, il se vendait bien plus de machines que ce que les dirigeants de la Corp. ne le pensaient !

 
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